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Mariia Legenkaia et Sebastien Wolf : au croisement de la physique et de la biologie

, modifié le
25 novembre 2021
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Mariia Legenkaia et Sebastien Wolf
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Il y a quelques mois, Mariia Legenkaia a rejoint l’aventure à l’ENS entre les départements de physique et biologie, aux côtés de Sebastien Wolf. Ensemble, ils se livrent sur les expériences qui fusionnent au sein des deux laboratoires.

Entre études et découvertes

Mariia Legenkaia est originaire de Russie où elle a obtenu une licence en physique théorique, à l'Université Académique de Saint-Pétersbourg. Après avoir rédigé une thèse sur la physique mathématique, elle suit les conseils de son professeur et s’inscrit au Master de physique à l'ENS, afin de bénéficier d'un enseignement de qualité. Aujourd’hui, Mariia prépare son doctorat et considère l'ENS comme « Un lieu avec la possibilité de découvrir différents domaines dans lesquels je souhaite travailler ».

Sébastien Wolf a également étudié à l'ENS. Après sa prépa, il apprend les bases de la physique : « À cette époque, j'étais vraiment intéressé par les questions biologiques. Depuis le début, je voulais travailler entre la biologie et la physique ». Au cours de son master, il s’envole pour New York et réalise un stage dans un laboratoire de biophysique. À cette époque, Sébastien travaille sur les protéines, la génomique et l'évolution : le type de questions abordées par les physiciens dans le domaine de la biologie. Plus tard, il découvre les neurosciences par hasard et pour son plus grand bonheur.

Sébastien explique qu'il y a deux domaines en biologie dans lesquels un physicien peut travailler. Tout d'abord, la partie théorique qui comprend la modélisation et l’algorithmique. Un domaine où un grand groupe de physiciens développe des modèles mathématiques dans le but de comprendre la biologie. Parallèlement, il existe des techniques optiques issues de la physique quantique ainsi que des techniques d’enregistrement.

Tout au long de son doctorat, Sébastien travaille sur le développement de microscopes optiques qui enregistrent les activités du cerveau animal. "Je voulais l'utiliser pour aborder de vraies questions biologiques", précise Sébastien. De cette manière, de nouveaux outils ont été créés à la Sorbonne UPMC et son objectif a pu être atteint. Avec son groupe de recherche, il découvre une nouvelle région cérébrale du poisson zèbre à l'état larvaire, nommée « Anterior Rhombencephalic Turning Region ». Cette région dirige les propriétés fondamentales du cerveau chez le poisson, comme la navigation. Aujourd'hui, il existe de nombreux modèles sur les cellules humaines, qui dirigent la tête et liées aux yeux. Toutefois, ces travaux sont assez récents. Il est clair qu'il est plus facile d'étudier un poisson d'un centimètre qu'un humain.

Une découverte en amène une autre

L'importante découverte de Sébastien sur le poisson zèbre l’amène à travailler avec Rémi Monasson et Simona Cocco, tous deux chercheurs au laboratoire de physique à l'ENS. Sur la base de modèles, ils décrivent le fonctionnement de la population neuronale et ses conséquences sur certains comportements des poissons. Emballé par cette expérience, Sébastien continue à travailler sur la modélisation au cours son post doctorat à l’ENS, où il fait la rencontre de Laurent Bourdieu du département de biologie. Physique statistique ou encore techniques de Machine Learning sont appliquées aux données disponibles dans le laboratoire, « C'est à ce moment que la collaboration entre les deux laboratoires a commencé ».

Inspiré par cette fusion, Sébastien a passé les deux dernières années à déployer des questions expérimentales au sein des deux laboratoires. Ces expériences ont ensuite été adressées sur des souris, un nouvel animal pour lui, dans le but de « Développer des approches de Machine Learning, utiles pour modéliser la dynamique et les propriétés de la Neuro Population dans le cortex ».

Depuis qu'elle a entamé son stage au sein des groupes de Rémi Monasson et Laurent Bourdieu, Mariia Legenkaia échange activement avec Sébastien Wolf sur les résultats du projet. Les deux laboratoires sont en collaboration étroite.

Le groupe de Laurent Bourdieu se concentre sur les activités du cortex. Plusieurs projets ont vu le jour, étant donné que « Le cortex est divisé en régions qui correspondent à différentes entrées sensorielles qui sont visuelles, somatosensorielles ou auditives ». L’expérience met en lumière une question qui met au défi les deux jeunes chercheurs : de quelle manière l'état attentif d'un animal contrôle-t-il l'activité corticale auditive ?

Sébastien nous donne quelques exemples : lors d'une soirée bruyante, vous êtes capable de discuter avec une seule personne. Ce processus est appelé l’état attentif. D'autre part, lorsque vous entendez la voix de votre professeur sans écouter le cours, vous êtes dans un état passif. 

"Il n’y a pas de filtre logé dans nos oreilles. Ce processus est un mécanisme du cerveau qui place le cortex auditif dans une situation où il se concentre sur un son spécifique", explique Sébastien. Ce concept n’est pas bien compris en neurosciences pour le moment. Espérant un changement, Mariia et Sébastien ont récolté un ensemble de données au cours des deux dernières années, à travers des modèles et des expériences. En plaçant les souris dans des situations où elles doivent distinguer des sons spécifiques au milieu d'autres sons, les physiciens ont pu enregistrer l'activité du cortex auditif.

Travailler ensemble pour joindre les disciplines

« C'est intéressant d’observer la manière dont pensent les chercheurs venant de domaines différents et de remarquer les différents détails qui préoccupent chacun sur un même projet », affirme Mariia. La jeune physicienne a été surprise de pouvoir interagir de si près avec les données et de découvrir les éventuels obstacles. Elle a également pu bénéficier d'avis divergents venant des laboratoires de physique et de biologie pour son rapport de stage.

Sébastien observe la collaboration entre ces deux communautés avec des méthodes, des manières et des approches différentes. Il est parfois compliqué de travailler dans ce cadre : « Vous devez toujours alterner entre différentes manières de décrire votre travail ». Le post doctorant part du principe que la physique et la biologie seront plus proches dans quelques années. Ce fut le cas pour la physique, un domaine où existait une séparation entre expérimentateurs et théoriciens. Pourtant, aujourd'hui, on trouve des laboratoires où les physiciens interagissent les uns avec les autres dans un cercle vertueux.

« Excitant et frustrant à la fois »

Pendant longtemps, les neurosciences expérimentales étaient limitées en raison de la difficulté d'accéder aux données cérébrales. « Dans les années 50-70, les mathématiciens et les théoriciens ont essayé de modéliser mathématiquement le cerveau, mais il n'y avait pas de données, donc aucun moyen de dire si les théories étaient justes ou non. Le domaine des neurosciences informatiques a fini par développer le Machine Learning, l'IA et les algorithmes, utilisés aujourd'hui dans les ordinateurs », explique Sébastien. Grâce aux nouveaux outils créés depuis les années 90, les neuroscientifiques sont désormais capables d'enregistrer et de comprendre les activités cérébrales.

Malgré ces évolutions, les physiciens font face à une certaine frustration lorsqu’ils travaillent dans le domaine de la biologie. Il n’existe pas de modèles ou de théories modifiables et adaptables aux données ; un processus suivi en physique grâce à Newton, Einstein, la physique quantique, les résolutions mathématiques… « C'est une bonne chose. Il y a beaucoup à découvrir, c'est excitant et frustrant à la fois », avoue Sébastien.

"Il faut plusieurs années pour obtenir un ensemble de données, ça peut être décourageant", indique Sébastien, qui est toutefois optimiste quant au fait que les collaborations entre les mathématiques, la physique et les neurosciences vont se développer à l'avenir et apporterons des résultats exceptionnels.

Le projet QBio : the place to be in Paris

Mariia Legenkaia considère le projet QBio comme un projet intéressant qui permet d’appliquer l'analyse de la science des données aux systèmes biologiques : « Je suis ravie d'avoir cette opportunité et j'espère travailler sur ce sujet à l'avenir ». Mariia a obtenu les financements de QBio, qui pendant son doctorat, restera entre les deux laboratoires où elle a réalisé son stage.

Sébastien Wolf a des objectifs précis : après l’obtention d’un second post doctorat, il espère travailler au CNRS et devenir chercheur. « Ils ont la chance à PSL et particulièrement à l'ENS, d'avoir des étudiants bien formés : c'est l’une des forces de l'Université française ». Sébastien, ainsi que de nombreux autres biologistes, sont ravis d'accueillir les théoriciens pour aborder les questions biologiques. En effet, dans certains groupes, beaucoup de données n'ont pas été analysées en raison d'un manque d'outils et de méthodes. Il considère donc que c'est le bon moment pour le projet QBio en termes d'expérimentations.

Il finit par dire gaiement : « QBio est l'endroit parfait à Paris pour faire la jonction entre jeunes étudiants, doctorants et post-doctorants et allier biologie et théorie pour partager des données et ancrer les résultats dans des concepts  ».

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