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Au cœur du cerveau et de la perception des sons par les furets

, modifié le
21 septembre 2021
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Licence CC BY-NC-ND 2.0 / Rudy Armipertis
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« On peut imager l’entièreté du cortex auditif, on a une vue globale de l’activité ». Par une technique d’imagerie par ultrasons, Agnès Landemard réalise sa thèse sur l’activité cérébrale du furet.

La différence entre le cerveau du furet et le cerveau humain

Elle fait écouter aux furets des sons naturels comme par exemple de la parole, de la musique, des bruits de criquets, et d’un autre côté des sons synthétiques créés pour être partiellement similaire aux naturels, sur le plan acoustique. « Prenons un enregistrement de  parole. On va calculer toutes les caractéristiques acoustiques de bas niveau de ce son. Ensuite, on va contraindre le son synthétique à avoir les mêmes caractéristiques. On va obtenir un son assez proche mais auquel il va manquer toutes les caractéristiques de plus haut niveau, comme la structure phonémique, qui sont très présentes dans la parole.»

Pendant que le furet se retrouve confronté à ces sets de sons, l’activité est passée au peigne fin par Agnès avec l’aide d’une sonde qui lui permet d’identifier les réponses aux sons. « C'est une technique d’imagerie qui est basée sur l’émission et la réception d’ondes ultrasonores. Il faut d’abord installer une fenêtre crânienne parce que les ultrasons ne passent pas bien à travers le crâne. » Ce procédé mesure le flux sanguin qui laisse paraître les variations de ce dernier lié à l’activité neuronale. « On met de la pâte pour sceller [la fenêtre crânienne] et quand on a besoin d’imager, on a juste à enlever le capuchon. On ajoute du gel à ultrasons et on positionne la sonde juste au-dessus. » Cette technique, récente, a initialement été développée par l’équipe de Michael Tanter à l’ESPCI

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Licence CC BY-NC-ND 2.0 / Rudy Armipertis

Chez l’Homme, cette expérience a été aussi réalisée, cette fois en IRM fonctionnelle. Cela a permis d’observer des réponses spécifiques dans le cortex auditif, qui analyse les informations extraites des sons. On a ainsi pu identifier une activité cérébrale liée aux caractéristiques auditives de haut-niveau de la parole et de la musique, qui sont présentes dans les sons naturels mais non dans leurs équivalents synthétiques.

Le but de l’expérience est de savoir si cette différenciation des sons dans le cortex auditif est présente chez les animaux ou si cette dernière est spécifique à l’Homme.

À la suite de cette étude, les données montrent que le furet ne présente pas ces réponses spécifiques. Chez l’animal, la réponse aux sons naturels et artificiels est très proche et quasiment identique. Mais le furet n’est pas pour autant incapable de faire la différence. « On ne le voit pas dans le cerveau. On a fait passer des sons de vocalises de bébés furets et on a fait la même expérience, afin de voir si ces réponses étaient conditionnées par la pertinence des sons pour chaque espèce. » Agnès explique que les résultats étaient les mêmes au niveau cérébral mais différent sur le plan comportemental. En les filmant et mesurant leur mouvement, ils se sont rendu compte que quand les furets écoutaient les vocalises naturelles de bébés furets, leur mouvement de réaction était plus développé.

La biologie, tout naturellement

Avant d’en venir à sa thèse sur les furets, Agnès Landemard est passée par une prépa scientifique, physique et chimie « sans trop forcément savoir ce que je voulais faire, c’était la voie sans réfléchir ». Après deux ans, elle intègre l’École Polytechnique et elle rencontre la biologie. Elle découvre quelque chose de complètement nouveau. Elle précise, « j’ai eu un cours de neurobiologie avec Sonia Garel et j’ai trouvé ça fascinant ». En troisième année, elle se spécialise en biologie et part au Japon pour faire son stage de recherche. Elle intègre ensuite l’ESPCI pour y faire sa quatrième année puis effectue son stage de master au laboratoire des systèmes perceptifs où elle étudie les effets de contexte sur l’encodage de la parole dans le cortex auditif du furet. 

Une carrière dans les neurosciences

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Agnès Landemard

En faisant le bilan de son projet, elle explique qu’elle a eu une expérience qui a rapidement donné des résultats. « Ça m’a donné envie de faire de la recherche alors que ce n’était pas forcément mon plan initial. » Elle précise qu’elle n’est pas sûre que c’est ce qu’elle fera toute sa vie, mais que pour l’instant elle a envie de continuer dans cette direction, « je voudrais faire un postdoc. »

« Je travaille sur une technique qui n’est pas encore très répandue et le furet est un animal relativement peu utilisé donc je sais que je vais devoir changer pas mal de choses. Il y a beaucoup de questions passionnantes en neurosciences des systèmes sensoriels, j’ai aussi hâte de m’attaquer à de nouveaux problèmes. »

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