Biologiste de formation, je cherche à déterminer les mécanismes biologiques permettant l’émergence de la conscience chez l’homme.
La première partie de ma carrière a été consacrée au rôle fonctionnel de la synchronisation oscillatoire, principalement en électrophysiologie chez l'homme (EEG, MEG, EEG intracérébral) mais aussi chez le singe (anesthésié et en comportement, ECoG). Ces travaux m'ont notamment permis de mettre en évidence l'existence d'oscillations dans la bande gamma chez l’homme, et d'élargir leur rôle fonctionnel à différentes fonctions cognitives comme l'attention ou la mémoire, bien au-delà de l’hypothèse du liage perceptif qui était dominante à l’époque (TICS 1999). Par ailleurs, cette ligne de recherche m'a permis de montrer que de façon contre-intuitive, attention spatiale et conscience visuelle correspondent à des entités neuronales distinctes, qui affectent différemment le comportement (J Neurosci 2008). La dissociation expérimentale entre attention et conscience montre que contrairement à l’hypothèse dominante à ce moment-là, la conscience n'est pas une "super fonction" cognitive résultant de la combinaison des fonctions classiques.
Ces résultats m’ont conduit à me recentrer sur la notion au cœur de la conscience, l’expérience subjective, qui requiert un sujet d’expérience. Je propose que la dimension subjective de la conscience pourrait être basée le monitoring cérébral des signaux viscéraux (cœur, estomac), qui constituerait une implémentation biologique d’un « soi » très basique, correspondant à l’organisme dans son ensemble. Dans cette hypothèse, l’intéroception interagit avec la perception et la cognition. Je me consacre actuellement au développement théorique de cette hypothèse, et à sa mise à l'épreuve des observations expérimentales. Je développe et modélise l’hypothèse que le monitoring cérébral des signaux viscéraux permette d'établir un point de référence unique pour combiner les multiples systèmes de coordonnées dans lesquels l'information est encodée au niveau cérébral, facilitant ainsi la genèse du point de vue unifié qui caractérise la perspective en première personne. Expérimentalement, mon équipe a montré que l'amplitude de la réponse neuronale au battement cardiaque dans le réseau par défaut prédit la perception subjective d'un stimulus visuel au seuil (Nat Neurosci 2014), est un marqueur de l'expression du soi (J Neurosci 2016; Phil Trans Biol 2016), et permet de décoder l’état de conscience de patients non communicants (J Neurosci 2021). Le 2e volet de mes recherches concerne les conséquences du couplage cerveau-viscères sur la dynamique cérébrale de repos, une dimension souvent sous-estimée. J'ai développé l’enregistrement non invasif de l’activité électrique oscillatoire lente (3cpm) produite dans l’estomac (Psychophysiol 2020) et montré que l'activité cérébrale de repos (MEG, IRMf) est couplée au rythme de l'estomac (NIMG 2017; eLife 2018). Nous montrons aussi que le taux de décharge des neurones (SUA/MUA, patients épileptiques) dans le cortex entorhinal module le rythme cardiaque (J Neurosci 2019).